vendredi 3 janvier 2014

La Ménagerie de Versailles - Frédéric RICHAUD



Les Pérruqués Sortent Les Crocs !


Exit les policiers palpitants, les thrillers frémissants, l'heure est à l'ouverture et à l'audace.
Une couverture intéressante certes mais loin de m'emballer au point d'arrêter mon regard plus de trente secondes. 
Non que les œuvres ayant un lien direct avec nos chers Rois de France n'évoquent en moi que mépris et bouderies, mais elles n'avaient jamais suscité en moi un intérêt démesuré.
Le petit plus qui me fit céder fût dans un premier temps le titre, La Ménagerie de Versailles, puis à la lecture du résumé, une envie de me délasser en me « tapant » une bonne petite fable ; genre qui ne prédominait certainement pas alors dans mes rayons feuilletés chéris.


Fred' Le Fabulateur

Le « Fabulateur » en question séjourne parmi nous sous le nom de Frédéric Richaud, frais quadragénaire et auteur de plusieurs romans tous publiés chez Grasset (vous en retrouverez certains chez Le Livre de Poche).

Petit tour d'horizon sur la bibliographie en question :
Monsieur le jardinier (1999)
La Passe au diable (2002)
La Ménagerie de Versailles (2006)
… et le tout dernier Jean-Jacques (2008)


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Depuis que Louis XIV a fait construire une ménagerie non loin du château de Versailles, le marquis de Dunan ne dort plus.
Et s'il fournissait au Roi une bête féroce, aux côtés des pélicans et des autruches qu'admirent déjà les courtisans ?
Sa gloire et sa fortune seraient faites… Mais Dunan court en vain les foires du royaume : les spécimens intéressants sont rares.
Il en faudrait plus pour décourager notre homme, qui se lance alors dans une folle aventure où les fauves ne sont pas toujours ceux qu'on croit…
Une entrée en matière attractive, je n'irais pas jusqu'à dire alléchante, mais qui ne manque pas de piment et d'originalité.

On Creuse Un Peu ...


Un roman express comme je me plaît à les appeler, du genre 150 pages à tout casser, un calibrage de caractère à la limite de l'acceptable.
Le type de lecture qui ne vous demande que quelques heures de concentration pour en finir, et surtout qui repose vos yeux meurtris et hébétés par le énième tome de je ne sais quelle saga de sept cent pages qui l'a précédé.

On entre dans l'intrigue avec délectation, pas de lourdeur avec des descriptions sans fin, Richaud pose le décor sans fioritures inutiles et excessives.
Rares sont les œuvres où il ne faut pas moins de trois chapitres pour être enfin en osmose avec l'histoire, et y être scellé.
Frédéric est un fantasque, il joue des mots avec fluidité et simplicité, être compris est déjà le premier devoir d'un auteur vis à vis de son lecteur, mais en y regardant à deux fois et en étudiant la syntaxe avec minutie, on aperçoit une structure, un entremêlement sans pareil, plus subtils et raffinés qu'il n'y paraît au premier abord.


En  conteur qui se respecte, il tente de faire sonner son récit de manière acidulée et cotonneuse. 
Une légèreté pas si anodine que cela, nous percevons derrière tout le burlesque suintant de la plume de Richaud, que s'écoule une gravité et une noirceur sans pareille, une dénonciation générale de la condition humaine, des mœurs nobiliaires toujours donnée avec les commissures des lèvres retroussées.

Après tout n'est ce pas là le rôle d'une fable, de crier tout haut les aberrations d'une époque à travers quelques mises en scènes bien souvent animalières ?
En quoi une civilisations s'arroge-t-elle le droit d'établir les règles de construction de l'humanité.
Je passe ici la liste des arguments tous aussi pathétiques et vulgaires dressée à cette occasion, range les théories Lévi Straussiennes


Richaud à travers ce thème de l'esclavagisme, n'opère point tant à une dénonciation du phénomène en tant que tel, mais plutôt l'utilise pour servir les desseins d'une dérision de cet amas de gens bien nés s'appropriant les règles et critères de hiérarchisation, de classification même de la race humaine.
« Sans Foi, Ni Loi, Ni Roi ».


Certes on sent une grande amertume, mais le comique n'en est que plus relevé, la dérision devrais je même souligner.
Nous pourrions même nous tourmenter dès le début de l'ouvrage avec une question centrale, La Ménagerie est-elle bien celle que l'on croit ou que l'on doit, n'en cache-t-elle pas une plus sauvage qu'elle n'y paraît ?
A travers le personnage du Duc de Dunan, et de tant d'autres, Frédéric place d'ores et déjà les plus beaux clichés de cette ère faste et « ensoleillée ».


En passant par cette burlesque et quasi canine adulation pour Sa Majesté, homme prêt à se contorsionner dans les plus humiliantes courbettes, à se vautrer dans les plus sales bourbiers pour s'attirer les bonnes grâces, le spectacle rectal, du Roi Soleil.


Un espèce d'adoration sirupeuse et saoulante, qui tranche parfaitement avec un marquis bis composant charnellement avec ces dames comme d'un brigand du tiroir caisse ( un Arsène Lupin autrement dit). 
On passe d'un portrait d'homme lourd et inintéressant, à un véritable Don Juan à la filouterie frôlant l'intelligence suprême.
Il nous dessert une vision des femmes plus que pragmatique et matérialiste.

En bref, la Ménagerie de Versailles est un oment délectable ...
Périple aux avant gouts désastreux et prévisibles dans la finalité non dans le déroulement ce qui est fort agréable.
En effet, le but de l'aventure semble être incontournable pour nous petits lecteurs avant-gardistes, mais l'on jouit d'être traversé par quelques péripéties inédites et surprenantes.



Mise en Bouche …


« Pénétrer ses goûts, pensait-il, c'était pénétrer son âme et finir un jour par s'y installer ».
« A force de graviter autour du Soleil, sa fortune autrefois opulente avait fondu ».
« Nul doute qu'avec de telles pièces, ce n'est pas seulement à son lever que le Roi lui permettrait d'assister. Il lui accorderait aussi le privilège de le voir sur sa chaise percée ».
« N'aimez pas les femmes, Jean, mais désirez-les comme on désire, le soir, une nourriture dont on connaît l'issue pour le lendemain ».


Note: 3.5/5

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