vendredi 3 janvier 2014

La Traque - Didier BEAU


Une Vendetta Orchestrée de Main de Maître


Quelle ne fut pas ma fierté lorsque, faisant ma recherche, je tombais nez à écran sur l'oeuvre même que j'avais eu l'occasion de fabriquer de mes propres mains, je vous explique...



Il était une fois une Maison d'Editions pas comme les autres ...

Au pays des frasques et des calembours, une fourmilière régnait en maîtresse absolue. 

Loin de vouloir se conformer aux us et coutumes de la profession et désireuse d'emprunter des chemins de traverses (dixit Luc Vidal, son président) afin de ne souffrir d'aucune quelconque pression mercantile, l'originalité de la maison résidait, excepté le personnage haut en couleurs de son fondateur, dans son procédé de fabrication.
En effet, exit entre ces quatre murs, les reliures classiques que l'on connait tous, ici le maître mot est "couture". 
Et en avant pour un ballet de pelotes édulcoré; avec la reliure à la chinoise il est incontestable que l'expression "au fil des pages" reprend tout son sens. 
Une idée tout simplement révolutionnaire bien qu'ancestrale, où, à l'heure de l'édition numérique, l'éditeur sort des sentiers battus pour réattribuer au livre sa seconde fonction, mais pas des moindres, ornementale et artistique.
Et pour les plus récalcitrants, sachez que cet objet offre quelques avantages supplémentaires: munis de deux battants cartonnés, plus besoin de partir à en quête du marque page délaissé quelques minutes plus tôt près de vous et sur lequel vous n'arrivez plus à remettre la main; les rainures sont ainsi faites que la couverture ne se détériorera pas au fil de la lecture.
Pour en revenir à nos moutons, c'est naturellement toute fiérote aujourd'hui d'avoir confectionné quelques exemplaires d'un ouvrage au suspense haletant et dont la physionomie en surprendra plus d'un, que je viens glisser ici mon avis.

Didier Beau, Un auteur en devenir
C’est avec un thriller que Didier BEAU s’est lancé, pour son baptême, à corps perdu dans les griffes d’un monde littéraire pas toujours enclin à faire de la place aux nouveaux venus. 
Cet exercice difficile en ayant décrédibilisé plus d’un, le pari était d’autant plus osé. 


Défi relevé avec brio, Didier BEAU se révèle un marionnettiste affûté au verbe habile et cinglant ; oscillant entre romanesque et obscénité, une formule maîtrisée sans mauvais dosage.
Fort de ce premier opus, il me tarde de feuilleter très prochainement la suite de ce thriller engageant, happant le lecteur dans sa folle course entre le Petit Nantes et le fumant quartier de Venice à Los Angeles. 
Le décor planté, direction l’entrée des artistes !


Une traque sournoise … et intrépide


La Traque c’est d’abord une histoire d’amour digne des plus grandes fresques romantiques.

Clémence et Erin, irlandais de souches, avaient élu nid douillet dans le cœur de ville de Nantes ; elle était sauvage et désillusionnée, il l’avait apprivoisé avec son flegme, ses petits plaisirs et la promesse d’une passion sans prétention, d’une complicité sincère. 
Ils avaient appris à s’accorder sans s’appartenir totalement, à se désirer en somme. Egon, fruit de leur amour était venu le parachever en beauté.

Pourtant, quelques plateaux d’huitres et promenades interminables sur les bords de l’Erdre plus tard, cet épanouissement fragile allait être balayé par un stupide accident de voiture. 
Envolés les hommes de sa vie, ses piliers, par la grossièreté d’un cochon arrogant, un richissime et pompeux Malatesta, américain venu pour affaire séjourner brièvement en France.

La Traque c’est aussi, la planification d’une vengeance sordide sur fond de double jeu.

Changement de décor radical, un aller pour Los Angeles, nouvel époux, nouveau patronyme, nouvelle femme ! 
Aux oubliettes la douce Clémence et entrée retentissante de Luce Heethon, glaciale, imperméable à tout égarement sentimental. 
La louve s’incruste dans la bergerie avec pour seul objectif de ruiner la vie de ce parasite qui a décimé la sienne avec une lâcheté déconcertante.
La vengeance est délectable, progressive et d’autant plus perverse… les esprits s’emballent, les viles pulsions de tout à chacun se dévoilent.

Et le lecteur dans tout çà ?


Son sort n’est pas le plus enviable, il navigue dans les méandres de jeu à double tranchant pendant près de 300 pages, se prend d’affection puis de répugnance et de dégoût pour chacun des protagonistes. 
Il est tiraillé sans cesse entre deux portraits, deux villes, deux morales et se surprend à faire de la psychologie de comptoir. Il se sent impuissant.
Il pourrait presque y voir une farce grotesque, un lieu commun bien assez exploité comme cela mais il n’en est rien.

Didier BEAU fait frémir avec son verbe cru, amuse avec ses calembours bien placés, dépayse avec une mise en scène que l’on ne pressentait nullement.
Il ne s'encombre pas de phrases alambiquées ponctuées de corrélatifs à rallonge et c'est aussi bien.
Un véritable coup de cœur auquel je ne m’attendais pas, le thriller étant devenu un sacré ramassis de médiocrité ces dernières années.
Parés à Embarquer ???


Note: 4/5

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