La littérature n’a pas fini de nous livrer ses secrets et c’est
sous une forme somme toute inhabituelle, celle de l’aphorisme, que j’ai eu le
plaisir de la redécouvrir ces derniers jours.
Une technique qui emprunte indéniablement à celle de la citation mais avec
cette particularité qu’elle ne prétend pas nous livrer sur un plateau La
solution, ni une vérité, un précepte universel.
Une sorte de sentence littéraire qui n’appelle aucune solution raisonnable.
Une Plume Habile
Avec Un Merle sur le
Tilleul Stéphane BEAU n’en est pas à ses premiers pas en écriture et tel le
marionnettiste des genres, romans, nouvelles et essais ont déjà goûté le joug
de sa plume.
Fondateur de feu la revue Le Grognard, cet amoureux des livres (pour reprendre
l’expression de Luc VIDAL) un brin secret, collabore à de nombreux travaux
littéraires et étudie depuis une dizaine d’années la vie et l’œuvre du
philosophe Georges Palante dont il a réédité plusieurs ouvrages.
Entre autres :
- Le Coffret, roman, éditions du Petit Pavé, 2009
- 23h23 Pavillon A, roman, éditions du Petit Véhicule, 2011
- Le Coffret, roman, éditions du Petit Pavé, 2009
- 23h23 Pavillon A, roman, éditions du Petit Véhicule, 2011
Un Merle sur le Tilleul est paru aux éditions du Petit
Véhicule en 2013 sous forme de livre relié à la chinoise, méthode dont j’ai
déjà eu l’occasion de m’étendre dans de précédents avis et que je vous invite à
découvrir.
Un Voyage Insoupçonné
Chacune des phrases semble me desservir vers des instants
oubliés, un véritable voyage intime permit par le choix de la figure de style,
à la fois impersonnelle et pleine de réalité.
A la manière d’un
tableau on y projette à souhait nos désirs, calque notre vérité, gomme les petits bévues
et contrariétés.
On se plait à se confronter à nouveau, à se découvrir
différents visages, différents costumes.
Attention cependant à prendre le train en marche et à savoir en sortir à temps,
inutile de se précipiter et d’engloutir d’une traite cet ouvrage au risque de
ne pas tenir le choc.
Chaque mot résonne en notre for intérieur et fini par
éclater telle une bulle de savon, nous laissant là, sur le bas côté, songeur et
prêt ou non à un petit travail introspectif.
L’arborescence du livre, sa structure participe à notre
libération, au gré des humeurs, des états d’âmes, on reste maître d’aller piocher
çà et là quelques lignes percutantes.
Un message délivré très intelligemment et qui ne sera que d’autant plus
entendu, le lecteur ayant le temps de le prendre justement, et de s’en détacher
suffisamment pour mieux le pénétrer.
***
La deuxième partie de l’œuvre, intitulée Presse Purée ou
encore Chronique de l’inactualité, a quant à elle plutôt pour fonction de nous
dérider après ce trop plein d’émotions, une séance de stretching neurologique
sans doute et d’échauffement des zygomatiques.
Le concept est pour le moins original et nous incite à
réapprendre à nous amuser d’un rien comme à la belle époque où le claquement d’un
bouchon métallique de bouteille de jus nous ravissait bien plus que la tablette
dernier cri. Mais ne nous dissipons pas et revenons en à nos …tubercules ?
Le principe est simple et l’exercice subtil : Dans un
carnet vierge, incorporez un titre d’article de journal, préalablement découpé (peu
importe le sujet, d’ailleurs, plus celui-ci vous paraîtra futile plus facilement la fibre humoristique viendra à vous) puis lui accoler une phrase de
votre cru (parfois sous forme de réponse, souvent sarcastique), mélangez le
tout puis laisser reposer afin d’y apporter les dernières retouches.
Exemples tirés du livre :
« La fraternité en danger.
J’m’en fous, j’suis fils unique. »
J’m’en fous, j’suis fils unique. »
« Un homme interpellé après 55 fausses déclarations de
paternité.
Et quand je pense qu’il y a encore des féministes qui se plaignent que les hommes ne s’investissent pas suffisamment dans leur rôle de père ! »
Et quand je pense qu’il y a encore des féministes qui se plaignent que les hommes ne s’investissent pas suffisamment dans leur rôle de père ! »
Une conscience qui s’émancipe
Si cette lecture a l’avantage de vous procurer une dose de
bien être et de lâcher prise, sa prouesse, selon moi, réside ailleurs, en ce qu’elle
m’a permis avec tantôt une dérision désabusée et arrogante, tantôt avec une légèreté
presque primitive, de partir à la quête de mon identité à l’instant L de mon
parcours, de me découvrir, de dresser un bilan égocentrique, en quelque sorte, et
parfois de le déposer !
Pour les plus sceptiques, parce que contrairement à l’auteur
je compte bien m’acharner à les convertir, tout du moins à les amener là où ils
ne voient pas, je vous dépose quelques en-cas.
Dix euros la thérapie, très chers lecteurs, et envolés tous
vos soucis… cela sonne comme un slogan plein de promesses un peu Place des
Halles je vous l’accorde, mais vous ne serez pas déçus du détour et surtout
pensez à voyager léger !
Et si malgré tout vous persistez à vous réfugier dans un stoïcisme
désarmant, c’est qu’il faut vous faire une déraison.
Note: 4/5
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