A l’origine photographe, cinéaste et scénariste sous le
nom de Jean HERMAN, Jean VAUTRIN fait ses premiers pas littéraires avec des
romans policiers. Rapidement, sa langue généreuse et inventive est reconnue et
l’amène naturellement vers le Prix Goncourt 1989 avec son œuvre « Un Grand
Pas Vers le Bon Dieu ».
Livre après livre, avec beaucoup de souffle, il
explore aujourd’hui la double veine du roman feuilletonesque et du roman noir.
L’auteur prend le genre policier très au sérieux en
dévoilant toute l’ampleur de ses ressources. Porté par un verbe et un style forts,
il devient l’instrument d’une bouleversante critique sociale.
Un écrivain prolifique (roman, nouvelle), souvent sous
estimé car retiré dans sa campagne bordelaise loin des projecteurs mondains.
***
« Dans les
environs d’Auxerre, en pleine campagne française, une jeune professeur d’anglais,
Louise Anarcange, est violée par six de ses élèves après une fête de fin d’année
où elle était conviée.
Louise, fille unique, fille modèle, a connu la souffrance d’une éducation stricte.
Son père, le Dr Anarcange, l’a protégée et peut être trop aimée. La question de l’inceste, subtilement omniprésente, explique peut être qu’à trente et un ans elle soit toujours vierge. Après le viol, Louise, qui a tout endossé jusqu’alors, explose littéralement.
Louise, fille unique, fille modèle, a connu la souffrance d’une éducation stricte.
Son père, le Dr Anarcange, l’a protégée et peut être trop aimée. La question de l’inceste, subtilement omniprésente, explique peut être qu’à trente et un ans elle soit toujours vierge. Après le viol, Louise, qui a tout endossé jusqu’alors, explose littéralement.
Muette
martyre, Louise Anarcange se transforme en Louise B., serial killeuse, double
cynique et destructeur, sa « droite parallèle », qui baise et boit
comme une fille perdue. Louise B., qui exercera sa vengeance contre les hommes.
C’est le début d’une série de meurtres. Les héros de ce roman montrent que la
frontière entre le Bien et le Mal demeure plus floue que jamais.
Louise
est à la fois l’enfant cloitrée, la femme aux désirs refoulés, la victime et l’assassin,
l’ange exterminateur. »
Dès le début de l’ouvrage, VAUTRIN annonce la couleur en
citant BAUDELAIRE, « Ah Seigneur ! Donnez-moi la force et le courage
de contempler mon cœur et mon corps sans dégoût » et O’CONNOR, « Et
ce sont les violents qui l’emportent »… une capitulation devant le Mal ?
Nous sommes prévenus et entrevoyions déjà l’atmosphère peu rassurante et
chaleureuse des sentiers à emprunter.
Chaque chapitre est introduit par une phrase d’accroche
personnelle à l’auteur. L’ingéniosité du procédé réside dans le fait qu’une
fois lue, vous ne pouvez vous refuser de dévorer les lignes qui se profilent. A
l’aide d’une pointe d’acidité, VAUTRIN pique nos nerfs à vif, chatouille une
curiosité voyeuse et malsaine.
Ex : « Une
fille toujours se fait dévorer par la bouche »
Il joue des mots à la façon d’un virtuose, tantôt en
adoptant un style puissant et cru, frappe sans relâche les notes, tantôt en se
lovant dans la douceur d’une poésie bourgeonnante, du bout des doigts caresse
son clavier. A travers cet habile langage, il s’efforce de révéler la lourdeur
du chaos que renferment les cœurs et les esprits.
« J’avais envie de m’égarer dans les méandres du
cerveau du femme meurtrie. Je voulais un livre bleu, cette couleur étrange qui
gomme les formes, créé du mystère. Avec Louise B.(leue), on traverse une zone
onirique incontrôlable. Elle sombre, mais nous sommes les rescapés du naufrage
d’une société chaotique. J’aime ce mot, chaos. Il définit bien notre époque,
installée au seuil d’une nouvelle barbarie ».
Un roman porté par une écriture d’une rare puissance,
bouleversant de franchise. Inquiétant par la rudesse du langage employé ou
encore par la position dans laquelle le lecteur se retrouve ; il assiste
et se substitue aux souffrances et jouissances de l’héroïne, un travail de
transposition fort déroutant.
On a mal pour elle, on s’essouffle avec elle, on La devient entièrement, on l’usurpe.
Je pense sincèrement que ce livre rendrait fou l’Ignoble,
l’Innommable qui aurait eu le mauvais goût de perpétrer de tels actes, et qu’il
réconforterait peut être les nombreuses victimes de ces ignominies en ce qu’elles
trouveront sans doute là une voix qui les a comprises.
« Elle est
dans le noir. Elle entrevoit les flammes de l’enfer. Elle a envie d’un corps
neuf.
Elle sait qu’à jamais elle n’aura de ressource que dans la révolte ».
Elle sait qu’à jamais elle n’aura de ressource que dans la révolte ».
Note : 4,5/5